Prévention du décrochage scolaire.

Comment prévenir le décrochage physique ou mental

 au secondaire, au cégep et à l’université?

Dix stratégies qui ne coûtent rien ($$$)

 Introduction

Depuis 1970, je me suis investi comme enseignant, professeur, auteur et conférencier dans le milieu pédagogique au Québec et hors Québec. Depuis 6 ans, j’accompagne, comme superviseur de stages, des étudiants en enseignement au secondaire. Et parce que je suis toujours préoccupé par la réussite scolaire, je me demande comment prévenir le décrochage physique ou mental qui guette les élèves et les étudiants du secondaire, du collégial et parfois même du milieu universitaire. J’y réfléchis encore. Aujourd’hui, je vous propose dix stratégies qui ne coûtent rien… sinon un peu de bonne volonté et beaucoup de vouloir, de croyance et de passion.

1)      Donner une intention

Avant de lire un texte, de visionner un film, un PWP, un DVD ou d’écouter un exposé magistral, il est important de donner aux élèves et aux étudiants une intention d’écoute et/ou de visualisation sélective.

Pour l’élève ou l’étudiant, avoir une intention, c’est savoir pourquoi il doit lire, voir, toucher, sentir ou écouter. Nos sens ne sont-ils pas nos portes d’entrée vers la découverte ? Il faut donc se poser des questions avant et non après (démarche scientifique). Il y a différentes formes de lecture, d’écoute et de visualisation (de détente, procédurale ou pamphlétaire et bien d’autres). En classe d’apprentissage, il faut lire, écouter et regarder en lien avec un objectif, une question ou un but. Il est important pour l’apprenant de savoir ce qu’il doit chercher, trouver ou justifier. Sans intention, il risque, après 10, 15 ou 20 minutes : de s’évader dans les nuages ou de fuir en croisant ses bras dans sa tête. En classe d’apprentissage, on n’est pas en train de visionner un film au cinéma, ni d’assister à un spectacle d’humoristes ou ni de lire un roman. Ce type de situations de visualisation, d’écoute ou de lecture se situe au premier niveau, soit non sélectif. On ne cherche alors qu’à se détendre.

Personne ne peut se concentrer s’il n’a pas un but, un objectif, une question, une INTENTION d’écoute, de visualisation ou de lecture. C’est la base d’une démarche de recherche scientifique, d’apprentissage et de développement de compétences.

2) Favoriser des interactions ENTRE les élèves ou les étudiants

Il est important de valoriser les compétences de chacun des élèves ou des étudiants et de développer leur niveau de confiance en eux. Il faut donc favoriser les interactions ENTRE les apprenants afin qu’ils puissent justifier, expliciter, argumenter, démontrer et préciser les sources de ce qu’ils connaissent et de ce qu’ils ont découvert. Valoriser les interactions ENTRE les élèves ou les étudiants permet de les rendre actifs et non passifs, en attente d’une confirmation ou d’une infirmation de leurs réponses ou de leurs découvertes.

Lorsqu’ils sont en situation d’apprendre, les élèves ou les étudiants ont le droit de commettre des erreurs et de ne pas tout savoir parfaitement. C’est ce qu’en recherche scientifique ou à un âge plus avancé, on appelle une formulation d’hypothèses non vérifiées et non argumentées.

Actuellement, en classe, il y a beaucoup d’interactions entre l’enseignant et les élèves ou les étudiants afin de confirmer ou d’infirmer, mais trop peu entre les élèves ou les étudiants afin de se justifier, d’expliciter et d’accepter la confrontation entre les pairs. Pour ne pas perdre de temps, on va au plus rapide. On dit ce qu’on sait d’une vérité qui risque d’évoluer et de changer sans avouer à nos apprenants qu’il s’agit seulement d’une hypothèse de notre cheminement personnel toujours à compléter.

On apprend davantage en confrontant, en argumentant, en explicitant et en justifiant nos sources d’information.

3)      Animer un retour intégrateur à la fin d’une leçon

Il est essentiel de réaliser une synthèse de son vécu en actualisant ses prises de conscience et en intégrant les connaissances, les comportements et les stratégies de recherche propres à la situation que l’on vient de vivre. Il est donc important de privilégier l’objectivation des prises de conscience des apprenants et non de leur communiquer nos prises de conscience afin de gagner du temps.

Favoriser une objectivation, c’est inviter l’élève ou l’étudiant à raconter ce qui fut important, à revenir sur le déroulement de la leçon en termes de comportements et de stratégies de recherche. N’oublions pas que nos propres prises de conscience ont pris beaucoup de temps de recherche, d’écoute, de discussions, de rétroactions et de vécu avant de pouvoir être capable de les exprimer en confiance. À la fin d’une leçon, il est essentiel de permettre à l’élève ou à l’étudiant d’exprimer ce qu’il a retenu au niveau des connaissances (ce que je retiens), du déroulement (ce que j’ai vécu) et des stratégies (comment j’ai procédé). Un petit 10 minutes pourtant si essentiel !

On apprend davantage en se racontant. Si on se permet de le faire c’est parce que quelqu’un nous respecte et croit en nous. On exprime alors nos prises de conscience et notre compréhension. C’est d’ailleurs ce que tous les enseignants font quand ils enseignent, soit raconter leurs prises de conscience.

4)      Convenir d’un contrat de communication

Comme les élèves ou les étudiants sont obligés d’apprendre avec un groupe d’individus ayant une multitude de comportements issus de leur vécu, de leur histoire et de leur culture propre, un contrat de communication s’avère nécessaire. Un tel contrat se doit d’être négocié et de convenir des conséquences devant être appliquées. Comme dans tout contrat, la signature d’une personne signifie son accord, donc une responsabilité de sa part.

En étant cosignataire du contrat de communication, l’enseignant a le devoir d’être cohérent, constant et ferme afin de respecter sa part du contrat. Exiger des élèves ou des étudiants de ne pas parler quand d’autres parlent, impose donc à l’enseignant de ne pas parler plus fort quand la classe parle. Ce serait alors une incohérence en lien avec le contrat de communication. L’important, après avoir convenu d’un contrat de communication, c’est de le respecter. Les élèves ou les étudiants apprennent très rapidement à sentir et à percevoir les attitudes de l’enseignant et à jouer avec ses incohérences.

Les attitudes ne s’enseignent pas. Elles s’attrapent par contagion et non par les sermons ou les punitions. Le modèle est alors déterminant.

5)      Préciser, au début d’un apprentissage, les prises de conscience essentiellesd’un module, d’une thématique ou d’une leçon

Il est important pour un intervenant d’identifier clairement ce que ses apprenants doivent retenir à la fin d’une leçon, d’un chapitre, d’un thème, d’une étape et d’une année passée avec lui. Il doit pouvoir résumer et synthétiser l’essentiel.

En cent ans, nous avons plus que multiplié par 100 000 les connaissances des milliards d’années de la Terre que nous habitons. Dans un programme ou un curriculum, tout n’est pas sur le même pied d’égalité. Le MEQ a fait des choix et nous devons aussi  faire les nôtres. Choisir c’est accepter de renoncer. Très souvent, on aimerait que nos jeunes connaissent tout ce qu’on a connu, tout ce dont on a besoin et tout ce qu’on devrait savoir dans le futur. J’ai toujours cru qu’il était impossible en Univers Social tout particulièrement, comme en Mathématiques, en Sciences et en Langue, d’intégrer en 5 ans de cours, toute l’histoire de l’humanité, sa géographie, les découvertes récentes et le multiculturalisme. La clarification de l’essentiel conduit à la convergence, donc la réussite.

On doit rechercher des stratégies qui permettent d’intégrer l’essentiel d’un programme, au lieu de rechercher des stratégies qui permettent de couvrir tout le programme dans un temps qu’on sait impossible à respecter.

6)      Réaliser un retour par objectivationdece qui fut vécu dans une leçon précédente

Il est important de savoir ce que les élèves ou les étudiants ont retenu de la leçon précédente et non de leur dire ce qu’ils devraient avoir retenu, en leur racontant ou en leur résumant ce qui a été vécu comme s’ils avaient été absents.

Une objectivation ouverte du vécu de la leçon précédente permet de connaître l’essentiel de ce que les élèves ou les étudiants ont intégré. Cette stratégie incite les apprenants à poursuivre en continuité. On oublie trop souvent que la dernière leçon remonte parfois à 2, 3 ou 4 jours.

Au début d’une leçon, poser aux élèves ou aux étudiants des questions ouvertes comme « De quoi vous rappelez-vous? » leur permet d’actualiser des concepts et d’atterrir et de rester présent avec vous au lieu de rester en cours de français, de mathématique, de science ou de ressasser leur week-end dans leur tête.

       7) Développer le travail d’équipe coopératif

Travailler en équipe, ce n’est pas une récompense ou une punition en fonction des comportements. C’est un apprentissage à réaliser. Il est important de distinguer le travail individuel côte à côte du  travail coopératif. Coopérer, c’est apprendre à négocier. Travailler côte à côte, c’est avoir du plaisir et surtout, parler de tout et de rien.

Lors d’un mandat d’équipe, il n’y a qu’une seule feuille de consignes, qu’un seul produit à remettre et qu’un seul exemplaire des sources d’information par équipe. La coopération est un apprentissage et une habileté à développer. Il est nécessaire pour l’apprenant de saisir l’importance de travailler en équipe : confronter ses expertises,  vérifier ses hypothèses de solutions et de réponses et être fier de produire un résultat plus grand qu’il aurait obtenu s’il avait travaillé seul.

On déplore tellement que nos jeunes adultes ne sachent pas coopérer et travailler en équipe pluridisciplinaire, multiethnique et en collégialité. 

8)      Utiliser les TICS de façon interactive

Les TICS sont souvent utilisés par l’enseignant ou le professeur pour réaliser des synthèses ou pour faire copier par les élèves ou les étudiants ses propres prises de conscience issues de ses recherches. Les élèves ou les étudiants apprennent alors le sens de la copie pour aller plus rapidement. Nous interdisons pourtant la copie entre les apprenants. Les TICS devraient être des outils qui permettent aux élèves ou aux étudiants de formuler des hypothèses en interaction. Trop de montage PowerPoint reflètent une synthèse des recherches de l’enseignant. C’est comme si on passait du tableau noir au tableau en couleur avec images et graphiques.

Je pense que nous sommes rendus aux 3I : INTERROGATION (connaître ce que je dois rechercher), INTERRACTION (apprendre à formuler des hypothèses) et INTER-CONFRONTATION (explication, justification et argumentation). Pour atteindre ces objectifs, les montages PowerPoint devraient avoir des caches afin de partir d’un titre, d’une question ou d’un concept pour inviter les élèves ou les étudiants à formuler des hypothèses, à les justifier et à les confronter. Je crois également important que les élèves ou les étudiants doivent apprendre à utiliser les TIC pour développer de réelles recherches scientifiques, soit définir une question, rechercher des informations et rédiger une synthèse.

Il y a plus d’informations sur le NET, que dans la tête de chacun des enseignants et professeurs réunis. Rechercher sur le NET est une habilité aussi fondamentale en 2… que le fut le calcul en 1940. Il faut s’adapter aux changements et habiliter les élèves ou les étudiants à utiliser les TIC d’une manière efficace, soit comme un outil de recherche et d’information à maîtriser.

9)      Gérer et équilibrer les temps pédagogiques et les modes de travail

De nombreuses recherches et nos propres expériences nous conduisent à constater des problèmes d’attention chez nos élèves ou nos étudiants. Trop souvent, on planifie des blocs de temps en collectif, puis en individuel puis en travail individuel côte à côte et parfois, en enseignement coopératif. Très souvent, on oublie de respecter les temps pédagogiques, soit l’importance de réaliser une synthèse de ce qui fut vécu récemment. Trop souvent, on oublie de demander à nos élèves ou à nos étudiants ce qu’ils se rappellent d’une leçon précédente. Trop souvent, on oublie aussi de préparer adéquatement nos jeunes à réaliser une tâche ou une recherche en ne précisant pas suffisamment le mandat, nos attentes, le mode de travail, le temps alloué et le produit à donner. Trop souvent, on oublie de planifier un temps afin de permettre à nos jeunes de nous dire ce qu’ils ont retenu d’essentiel, de nous raconter comment la leçon s’est déroulée et comment stratégiquement ils ont procédé. La gestion du temps et des modes de travail est étroitement reliée au niveau d’attention de nos élèves ou de nos étudiants. Il est important de chercher l’équilibre. Les jeunes comme les adultes ne peuvent être attentifs plus de 25 ou 35 minutes en collectif. Dans une leçon, il est important d’équilibrer les temps pédagogiques et les modes de travail afin de favoriser des intégrations et l’attention des apprenants en continu.

La modulation est une stratégie en douceur, afin de garder avec nous, nos élèves ou nos étudiants. Les tsunamis de concentration peuvent vous satisfaire à court terme. Vous direz : « J’ai vu et expliqué la matière ». J’ai diversifié les modes de travails sur une période de 3 ou 4 semaines. Mais combien d’élèves ou d’étudiants avez-vous perdus à chacune de vos leçons ? Combien d’élèves ou d’étudiants croisent leurs bras dans leur tête et ne sont plus mentalement avec vous?

10)   Faire des liens avec la réalité présente et future de nos jeunes

Nos jeunes, élèves ou étudiants, sont très préoccupés par leur vécu quotidien et certains le sont par leur futur. Nos enseignants ou nos professeurs sont très préoccupés par le programme et leur plan de cours. Comment harmoniser et rapprocher ces deux visions ? Les jeunes se posent toujours la même question, que ce soit les jeunes d’hier ou les jeunes d’aujourd’hui : « À quoi, ça va nous servir ? ». Les enseignants ou les professeurs se posent toujours la même question : « Comment favoriser une vraie intégration des savoirs et permettre à nos jeunes de les utiliser dans leur vie présente et future ? » ou pour certains : « Comment voir ce fichu programme ? ». Quand les jeunes, les enseignants et les professeurs ne savent pas pourquoi ils doivent faire des efforts, comment peuvent-ils s’investir tête, cœur et corps dans leur propre réussite.

Depuis plus de 40 ans en éducation, j’ai réalisé que la signifiance permet souvent le dépassement. Il est extrêmement important de faire des liens avec le vécu des jeunes afin de développer la passion et le vouloir, pas juste le savoir. Utiliser l’analogie en lien avec le vécu des jeunes est une piste à développer. Les impliquer dans des jeux de rôles en est une autre.

Le perfectionnement des enseignants ou des professeurs devrait être davantage axé sur les POURQUOI afin de dire à quoi ça sert plutôt que sur les COMMENT ils doivent voir le programme et respecter leur plan de cours. Quatre mots sont importants quand on planifie une leçon : Ici, aujourd’hui, hier et ailleurs.  Les activités, les situations et les exposés qui respectent ces 4 mots permettent de mieux comprendre notre histoire, notre lieu culturel, nos différences, nos ressemblances, nos réalisations et nos possibilités. Ils nous donnent le goût de faire davantage et différemment. C’est ce qui caractérise le plus l’évolution humaine.

Nos jeunes ont un besoin et une obligation de savoir à quoi sert ce qu’on tente de leur faire comprendre pour donner un sens et un vouloir accru à leur effort et à leur réussite.

Nos enseignants et nos professeurs doivent recevoir des pistes de réponses aux interrogations majeures de nos jeunes.

Conclusion


Après 43 ans en éducation comme enseignant, animateur pédagogique, conseiller pédagogique, chargé de cours, conférencier, concepteur, auteur, expert-conseil international et superviseur, j’aimerais tellement sentir dans le futur, une complicité entre les enseignants et leurs élèves ainsi qu’entre les professeurs et leurs étudiants. Lors de mes rencontres avec les enseignants associés à mes stagiaires, j’ai pu constater que cette complicité, visant la réussite de mes stagiaires, pouvait exister. Je sens très souvent chez mes enseignants associés le respect nécessaire pour que mes stagiaires puissent devenir plus grands. Depuis 40 ans, on a beaucoup perdu ce sens de la complicité et du respect. On préfère trop souvent se confiner dans sa bulle et ses rôles. C’est une forme de respect de soi dans un contexte où les enseignants et les professeurs ne se sentent plus tellement respectés par la société actuelle. Ils se protègent et je les comprends. Je ferais probablement la même chose.

Je vous ai simplement proposé 10 stratégies qui ne coûtent vraiment pas cher. Je pense qu’en réaliser une seule comme priorité par année, réduirait de 10 % annuellement le décrochage physique et mental de nos jeunes et leur garantirait un avenir meilleur. Dans 10 ans nous serions satisfaits de la réussite de nos élèves et de nos étudiants, je pense que c’est un investissement non monétaire qui peut rapporter gros.  Nos enseignants et nos professeurs sont de plus en plus isolés. La confiance, la passion, le frisson et le vouloir a diminué de beaucoup, au point où on ne s’interroge même plus pourquoi des enseignants et des professeurs croisent leurs bras dans leur tête et conservent leur distance avec la réalité de leurs jeunes. C’est comme s’ils avaient perdu la flamme et le feu de la passion pour influencer et ainsi se rendre inoubliables et non indispensables. Tout n’est pas une question d’argent. La gratuité pour moi c’est surtout une question de vouloir, de persévérance, d’effort et de croyance. Comme ces valeurs sont en vous, il faut oser.

Oser :

1)      Donner des intentions d’écoute, de lecture et de visualisation avant et non après.

2)      Favoriser les interactions entre les apprenants.

3)      Animer des retours intégrateurs en favorisant le processus d’objectivation des jeunes.

4)      Respecter en cohérence les contrats de communication.

5)      Préciser les prises de conscience essentielles

6)      Faire rappeler aux jeunes leurs vécus antérieurs et récents.

7)      Développer le travail coopératif et interactif.

8)      Utiliser les TICS de façon interactive.

9)      Gérer et équilibrer les temps pédagogiques et les modes de travail.

10)  Faire des liens avec la réalité (la signifiance) des apprenants. Les réalités des enseignants et des professeurs devraient être en complicité et non en conflit avec les réalités de nos jeunes.

Conrad Huard

Bien cordialement,

Conrad Huard

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